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La Palangrotte
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21 septembre 2015

Îles du Saloum : Ces terreaux fertiles de la lutte traditionnelle

La lutte dans les îles du Saloum constitue une activité principale. Une tradition qui se perpétue toujours avec des saisons de lutte remplies et des champions qui rêvent de porter la réputation des îles au-delà de leurs terroirs.

Dans l’île de Niodior, le siège de l’écurie Niomimka est connu de tous. On vous l’indique volontiers à la première demande. Sur une maison presque terminée mais pas encore peinte, les jeunes membres de l’écurie Niomimka, une des trois que compte le village-île de Niodior se réunit au tour du thé comme chaque jour. Sur la terrasse qui leur sert de lieu de discussion, on peut avoir un petit aperçu du paysage de l’île avec les cocotiers et les minarets de mosquée qui se détachent de la vue avec leur hauteur et toisant les autres maisons. Au tour du thé, la dizaine de jeunes garçons, à peine la vingtaine, devisent tranquillement, sous le son grésillant de quelques Smartphones qui diffusent des « bakk » en sérère.  Ici, la lutte est comme l’eau qui entoure l’île. Elle rythme la vie des sérères Niomimka et est une activité naturelle comme la pêche.  « C’est la tradition ici. Nous l’avons héritée de nos parents et nous ne faisons que perpétuer,  chaque année, la même chose. Aujourd’hui, cela devient de plus en plus animée » répètent en chœur les jeunes. Connues pour être un terreau fertile de la lutte traditionnelle sérère, les îles du Saloum ont aussi donné de grands champions à l’arène sénégalaise dont le plus connu est sans doute Yahya Diop « Yékini ». « C’est un peu le symbole de la lutte dans les îles du Saloum » raconte Oumar Sarr, chef de file de l’écurie Niomimka. Aujourd’hui, ils sont nombreux à vouloir ressembler à l’ancien champion à la vingtaine de combat sans défaite et qui  a été adoubé en un moment par la presse spécialisée comme « Roi des Arènes ». Habitant Bassoul, une île située plus au Sud des îles du Saloum et non loin de Foundiougne. « Yékini est le plus connu mais les îles du Saloum ont produit beaucoup de champion » explique Al Ousseynou Sarr, un membre du comité local de gestion de la lutte. C’est cette tradition de grands champions que veulent suivre les jeunes de l’écurie Niomimka.

Plus de 100 combats par an
Président du comité local de gestion de la lutte, pendant plus de 20 ans, dans l’arrondissement de Diofior qui regroupe les îles alentours de Mare Lodj, Facao et autres, Abdou Ndama Thiam a participé à l’éclosion de plusieurs talents de la zone. Célèbre pour la chanson de Pape Diouf « Diofior ak Arrondissement », Abdou Ndama se remémore de l’époque où les combats de lutte rythmaient la vie de son patelin qui se trouve dans la terre ferme mais englobant les îles qui se trouvent aux alentours. « On avait plusieurs combats dans l’année avec chaque semaine un village ou une île qui organise. Les mises allaient du bœuf au sac de riz en passant par les sommes d’argent », se rappelle-t-il. À Niodior, les jeunes de l’écurie Niomimka et les membres de l’équipe dirigeante du comité local sont à pied d’œuvre pour préparer la nouvelle saison de lutte qui commence juste après la Tabaski. « Nous recevons des lutteurs qui viennent de toutes les îles du Saloum, même de Kaolack, de Fatick, Foundiougne », selon Al Ousseynou Sarr.  Ainsi, pour l’organisation, une catégorisation a été mise en place en fonction des poids et l’âge des lutteurs. « Nous avons 4 drapeaux suivant les catégories. D’abord ce qu’on appelle « Poussière » qui est la plus petite catégorie. Ensuite « Raw Gadou », « Tank » et « Poids Lutteurs ». Chaque lutteur lutte selon cette classification. Nous nous retrouvons avec plus de 100 combats dans l’année. Le champion qui doit sortir, devra gagner au moins 7 combats pour remporter le drapeau. Ce qui fait que celui qui va sortir champion aura  forcément du mérite » explique Al Ousseynou Sarr.  En plus des combats organisés dans les îles, les lutteurs sortent pour aller défendre les couleurs de leurs patelins ailleurs, à Kaolack, Fatick « même jusqu’à Gambie », selon Oumar Sarr, chef de file de l’écurie Niomimka. Il affirme avoir gagné plusieurs drapeaux à Kaolack, Foudiougne et en Gambie. Cette tradition de lutte dans les îles des sérères fait qu’aujourd’hui, elles comptent beaucoup de représentants dans l’équipe nationale de lutte du Sénégal comme Louis Thior, médaillé d’or des tournois de la Cedeao, Oumar Diouané ou encore Cheikh Tidiane Niang.

Pour une meilleure organisation
Héritier de cette tradition de lutte et un des porte drapeaux les plus en vue actuellement des îles du Saloum, Louis Thior ne manque pas, à chaque hivernage, de venir cultiver son champ à Mare Lodj, une île non loin de Ndangane Sambou. Champion de la Cedeao et à plusieurs fois membre de l’équipe nationale de lutte, il pense que les îles du Saloum recèlent de plusieurs champions de lutte. « Il y a plusieurs Louis Thior dans les îles. Il suffit juste de continuer la détection et l’on aura beaucoup de champions » dit –il. A Niodior, les jeunes membres de l’écurie Niomimka caressent ce rêve de voir un jour leur nom dépasser les îles du Saloum.  C’est pourquoi, les entrainements ici, sont pris avec le plus grand sérieux. « Nous sommes plus de 30 dans l’écurie. Il y en a d’autres qui sont partis à Dakar. Nous faisons le tour des îles pour lutter. On s’entraine tous les après-midi. Il y a de l’espace ici pour s’adonner aux entrainements », poursuit Oumar Sarr. Aujourd’hui, les acteurs de la lutte dans les îles appellent à plus de soutien et d’organisation pour que tout le potentiel de la zone soit exploité. « La lutte marche bien dans les îles.  C’est le propre des Sérères et cela aide les jeunes qui sont férus de lutte. Il y a  beaucoup de champions ici qui ont juste besoin d’être appuyés », affirme Aïssatou Thior, dite Sabou, une promotrice de lutte habitant à Mare Lodj. Très active dans la lutte, Sabou qui se réclame de l’amitié des grands lutteurs comme en atteste les photos collées dans son campement touristique qu’elle tient à Mare Lodj, gère une écurie qui regroupe plus de 15 personnes à Mare Lodj. A Niodior, les jeunes de l’écurie Niomimka ont fini leur séance de thé et s’apprêtent à rentrer chez eux pour le déjeuner qui sera suivi d’un petit moment de repos et des entrainements en début de soirée. Ils souhaitent être de futurs champions des îles et au-delà…

LOUIS THIOR,  LUTTEUR : Marcher sur les traces de Yahya Diop Yékini
Habitant à Mare Lodj, non loin de Ndangane Sambou, Louis Thior est, aujourd’hui, un des portes drapeaux de la lutte dans les îles du Saloum. L’ancien champion de la Cedeao, actif aussi dans la lutte avec frappe, rêve de marcher sur les pas d’un autre produit des îles du Saloum, Yahya Diop « Yékini ». 
A Mare Lodj, Louis Thior fait figure de digne représentant de l’île. Sa grande silhouette ne passe pas inaperçue dans les dédales de l’île. Pour le voir, il faut juste demander à la première personne rencontrée. « Il est passé ici tout à l’heure », nous répète-t-on. C’est chez lui qu’il faut l’attendre, parce que le bonhomme a disparu dans l’île en cette fin de matinée. « Il va venir pour déjeuner », dit son cousin. Dans l’île, depuis le début de l’hivernage, Louis Thior est venu cultiver son champ. Une tradition qu’il perpétue malgré ses activités de lutteur. Basé à Grand Mbao dans l’écurie de Pape Diop « Boston », le fils de Mare Lodj, une île non loin de Ndangane Sambou, est l’un des porte drapeaux des îles du Saloum. Membre de l’équipe nationale du Sénégal de lutte olympique, il a été champion de la Cedeao et continue sa carrière  dans la lutte avec frappe. Sans combat cette saison, Louis Thior est célèbre pour avoir gagné deux tournois de lutte traditionnelle en 2013. Ce qui lui a donné une certaine renommée dans le monde de la lutte traditionnelle et un surnom très flatteur de «  Mbalka maak » qui veut dire en sérère, l’abreuvoir des taureaux. A Dakar depuis 2009, Louis Thior a fait le vide dans son terroir de Mare Lodj et des îles du Saloum, remportant plusieurs drapeaux et il a été plusieurs fois champion. Ce qui l’a aidé dans sa progression. « Apprendre la lutte dans les îles du Saloum permet d’avoir une grande expérience. Il faut aller d’ile en île, de village en village, pour se forger une carapace de champion. J’ai été champion de l’arrondissement de Diofior, à Fimela et même à Fatick  » admet-il. Aujourd’hui, son plus grand rêve, c’est de marcher sur les pas d’un autre champion des îles du Saloum, Yahya Diop « Yékini », « un grand frère et une référence pour lui ». Avant d’arriver Dakar et d’étaler sa puissance, Louis Thior se rappelle les tournois ou les « mbappat » gagnés dans les zones, avec comme récompenses, des sacs de riz. Après une saison blanche, Louis espère, cette année, monter sur l’arène et il affirme avoir quelques touches. C’est pourquoi lors de son passage à Mare Lodj, il ne manquait pas de s’entrainer « malgré la canicule ». Son activité de paysan dans les champs de mil va l’aider « à maintenir sa forme ». « Je retourne à Dakar bientôt pour démarrer les entrainements. Les semis de mil ont commencé à pousser et je peux rentrer » dit –il avec le sourire. Même s’il rentre à Dakar pour préparer sa saison de lutte, Louis Thior revient à Mare Lodj à chaque préparation de combat de lutte. « Depuis que j’ai commencé à lutter, je viens passer la nuit à Mare Lodj à chaque veille de combat. Je continuerais à faire cela quand j’aurais un combat », affirme-t-il avec un brin de mysticisme…

De nos envoyés spéciaux Aly Diouf, Oumar Ndiaye (Textes)

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